Textes

G. Lafon

« Les UNES et les CLONES »

La démarche générale de l’artiste interroge le schéma identitaire, l’unité de l’humain, sa fragilité. Utilisé comme vecteur, le corps cherche une place autre que corps objet ou corps outil. Diverses manipulations et techniques s’approprient des prises de vue photographiques pour faire émerger des champs moins conscients, d’autres représentations issues de points de rencontre entre l’imaginaire, le symbolique et le réel, dans un processus en cours plus que dans des constats. Par le biais du trouble et du précis, la recherche essaie de trouver son chemin vers cet invisible  masqué par le visible, présent/absent, à l’interface du manifeste et du caché.

« Les UNES » sont des productions un peu en marge de séries plus ciblées que sont « Affiches », « Trans-Positions », « Anatomie », « La rue » «  Elles ont vidé leur sac » ou « Les clones ». Elles les accompagnent et les complètent, en fonction du  lieu, d’envies prégnantes et récurrentes qu’il ne semble pas utile d’écarter pour une seule logique d’unité de forme. Elles participent de l’évolution du travail, marquent souvent des points de transition.

Avec « Les CLONES », les détournements et dérives d’images sont toujours présents, les techniques numériques ouvrent d’autres possibles. Ils invitent à explorer des potentialités du vivant. L’UN se situe parmi les AUTRES, plus ou moins semblables, entre individualisme et individualité. Les fleurs, support esthétisants, situent les corps dans un environnement ambigu. La prépondérance de l’humain ou du végétal fluctue suivant les situations. Parfois l’un absorbe l’autre. Les images de corps se juxtaposent, s’opposent, ou semblent entamer une hypothétique rencontre.


« DIALOGUE (S) avec les UNS »

Dans l’exposition « Les UNES et les CLONES », la partie « DIALOGUE (S) avec les UNS » est née d’une habitude prise de réaliser une production en rapport avec le lieu.

Le plus souvent, mon imaginaire s’attache à favoriser ou à intégrer une partie matérielle de la salle ou à utiliser une lumière naturelle spécifique. Pour « ArtisVita» la suggestion est plus immatérielle, elle provient en premier du travail  artistique, réalisé ensemble, par les hôtes du lieu. Le choix a été influencé aussi par un emplacement, près d’un bureau, qui incite à de l’intime mais également à de l’échange. Les idées de collectif, de masculin et de petit format sont ainsi venues guider ce qu’il était envisageable de faire.

L’œuvre devait aussi s’intégrer au reste du travail. J’ai gardé l’idée du fond de fleurs. J’avais commencé à mettre en scène quelques nus masculins dans des réalisations précédentes mais sans accentuer. Ici, j’ai souhaité que ce genre soit mis en avant.

J’ai proposé à d’autres artistes de produire des œuvres avec moi, pour regrouper ensuite l’ensemble des travaux dans l’exposition. Nous l’avions déjà fait avec Frédéric BELLI qui a bien voulu recommencer, il y aura également : Christian COMBES, Bruno DEVILLERS et Manuela TELLO. Je les remercie tous d’avoir accepté.

J’ai produit, pour chacun, trois fonds de fleurs différents, tirés en petit format de photographie argentique, avec comme demande, l’ajout de nu masculin, dans la liberté complète de leur choix de réalisation. J’ai également fait trois photographies fleurs/nu masculin.

Le titre « DIALOGUE (S) avec les UNS » s’est imposé, d’abord avec la rencontre de la forme des corps et du fond des fleurs, puis par le rapprochement des différentes productions et enfin par la réflexion sur la mise en espace de l’ensemble de l’exposition.


« CLONES »

Ce travail est la poursuite d’une recherche autour de l’image du corps, de son rapport à un environnement. Le nu est ici encore utilisé comme vecteur.

Les détournements et dérives d’images sont toujours présents mais, cette fois, les outils informatiques remplacent les matières et le laboratoire lors des étapes intermédiaires. Leur emploi a amené et facilité une étude de représentations proches mais non identiques, images de clones imparfaits.

Une  mise en scène situe des personnages les uns par rapport aux autres, dans diverses situations de plus ou moins grande proximité relationnelle, tout en les plaçant dans l’ environnement esthétique des fleurs. Le regard est invité à explorer des potentialités du vivant, par des formes différentes ou très proches, des couleurs parfois violentes, des rapports de groupes, des ambiguïtés.

La prépondérance de l’humain ou du végétal fluctue suivant la situation, l’importance de l’un ou de l’autre. Parfois l’un dilue l’autre. Les images de corps, se juxtaposent, s’opposent ou semblent entamer une relative communication.

Il est possible d’ aborder par ce biais un questionnement sur l’identique  et  le  différent, v e r s des  c h a m p s  moins conscients, à l’interface du manifeste et du caché, du patent et du latent.


Texte pour l'exposition Linardié

VOILÉ/DÉVOILÉ

Par Danielle DELOUCHE, Historienne d’art, Responsable artistique

Somatisation

L'entreprise photographique de Ginette Lafon disqualifie également cette chair désérotisée de la pornographie, sa brutalité qui prend le corps féminin dans une stratégie de prostitution. Sa photographie rend compte de ce qu'il y a d'inimitable dans le féminin, ce qui échappe à la vue des censeurs et des publicitaires. Elle explore l'intériorité du sujet féminin, sa conscience de soi comme corps vulnérable, effracté. Par le jeu de superposition des images transférées sur tissu et les effets de transparence, le dessous contamine le dessus, l'intérieur l'extérieur, jusqu'à brouiller la visibilité lisse des apparences, à maculer la lisibilité glacée de l'image. Ici, l'acte de dévoiler, de révéler, de montrer, celui de voiler, de cacher, de protéger sont pris dans un va-et-vient, dans un processus de contamination réciproque. L'image aussi fonctionne à la fois comme support de projection et surface de rétroprojection. Elle ne représente pas tant le corps qu'elle le somatise. Le tissu rend explicite cette dimension cutanée de l'image, que l'artiste travaille telle une zone d'échange. La photographie augmentée sert une exploration de l'intime, une réflexion sur l'identité, sur la disjonction entre l'être et le paraître, sur la relation entre la psyché et le soma et engage une esthétique de l'entre, de l'interstice, qui tient de la recherche d'un tiers espace et d'une visibilité médiane, maintenant l'image et la figure de l'humain en équilibre subtil entre l'opacité et la transparence, le patent et le latent, le dicible et l'indicible.